Fiches maladie

MALADIE DE CASTLEMAN UNICENTRIQUE ASYMPTOMATIQUE

La MC Unicentrique représente la forme clinique la plus fréquente dans la population générale hors infection HIV (environ la moitié des MC). Elle touche plutôt les enfants et les adultes jeunes.

La présentation se résume à la découverte d’une adénopathie localisée. Celle-ci peut être notée par auto-palpation, en particulier pour les localisations cervicales ou axillaires, ou de façon fortuite sur un examen radiologique (radiographie, échographie, scanner) pratiqué pour une autre raison et qui met en évidence une adénopathie, parfois volumineuse, dans le médiastin, l’abdomen ou le pelvis.
Cette adénopathie est en règle non inflammatoire et non douloureuse. Toutefois, lorsqu’elle est très volumineuse ou « mal placée », elle peut être responsable d’un syndrome compressif ou douloureux.

L’image au scanner peut être évocatrice du diagnostic devant une masse ganglionnaire unique présentant quelques calcifications ou prenant de façon intense le produit de contraste.
Parfois, la masse n’est pas unique et s’associe à d’autres adénopathies, souvent plus petites et toujours situées dans le même territoire ganglionnaire. En cas de doute sur le caractère unicentrique de la lésion, un TEP-TDM peut se révéler utile.

Le diagnostic repose sur l’examen anatomo-pathologique d’une biopsie. Celle-ci peut être réalisée à l’aiguille, radioguidée (échographie ou scanner). Cette procédure est peu invasive, mais le prélèvement est petit et le diagnostic sera souvent plus difficile. Elle peut également être chirurgicale et on peut même recommander une exérèse totale lorsque le diagnostic est suspecté et si le geste est simple. Dans environ 70% des cas il s’agit d’une forme hyaline-vasculaire et dans 30% des cas d’une forme plasmocytaire ou mixte.

Les examens biologiques habituels (hémogramme, bilan hépatique, CRP, dosage des immunoglobulines) sont normaux.

Le traitement de référence reste la chirurgie. La guérison définitive est quasi-constante si l’exérèse a été totale. Le risque de rechute est peut-être plus important pour les formes plasmocytaires.
Si la chirurgie n’est pas envisageable ou trop invasive, la radiothérapie est une option. Les résultats sont bons mais il est nécessaire d’évaluer le risque potentiel à long terme en fonction de l’âge, de la localisation et du champ d’irradiation.
Il semble que, devant une lésion stable, la surveillance simple puisse être également envisagée.

Le pronostic est excellent, sans impact apparent sur l’espérance de vie.

MALADIE DE CASTLEMAN MULTICENTRIQUE IDIOPATHIQUE

La MC Multicentrique idiopathique peut se voir à tout âge mais touche plutôt des adultes mûrs.

La présentation clinique peut évoquer un lymphome devant l’association d’adénopathies, d’une splénomégalie et d’un syndrome inflammatoire avec parfois des oedèmes ou des épanchements séreux. Mais le syndrome tumoral peut être modeste et la maladie se présente alors comme une altération de l’état général fébrile. Dans certains cas les complications sont au premier plan (cf infra) et le diagnostic peut être plus difficile à évoquer.

L’imagerie, TDM ou PET-TDM, montre une polyadénopathie et souvent une splénomégalie, prenant activement le produit de contraste en TDM et assez avide en PET-TDM.

Dans la majorité des cas ce sera la biopsie ganglionnaire ou exceptionnellement la biopsie d’un organe qui permettra le diagnostic. Dans 75% des cas il s’agit d’une forme plasmocytaire ou mixte ; la forme hyaline-vasculaire est observée dans environ 25% des cas. Dans un sous-groupe particulier appelé syndrome TAFRO, l’histologie retrouve des lésions de type hyalin-vasculaire mais remarquables par l’intensité des anomalies vasculaires et l’association possible à une fibrose.

Le traitement n’est pas encore complètement codifié. Deux biothérapies ciblant la voie de l’IL-6 ont reçu une autorisation de mise sur le marché. Il s’agit d’anticorps monoclonaux anti-IL6 (siltuximab, USA & Europe) et anti récepteur IL6-R (tocilizumab, Japon). Ces traitements sont très rapidement efficaces chez la majorité des patients, en particulier sur les signes généraux et le syndrome inflammatoire. L’impact sur le syndrome tumoral est moins net et plus lent.

Le pronostic reste réservé et très dépendant des complications et de la sensibilité aux traitements, mais l’espérance de vie reste, en médiane, supérieure à 70% à 10 ans.

MALADIE DE CASTLEMAN COMPLIQUEE

Syndrome Inflammatoire

Un syndrome inflammatoire peut compliquer toute MC mais il est particulièrement fréquent dans les formes multicentriques qu’elles soient idiopathiques ou associées au virus HHV-8. Il peut également compliquer ou même révéler une forme localisée.
Cliniquement il peut associer de la fièvre et un amaigrissement et chez l’enfant un arrêt de croissance. Biologiquement, on note une anémie microcytaire arégénérative, une thrombopénie ou une thrombocytose, une hypoalbumminémie, une hypergammaglobulinémie et une élévation franche de la CRP.

Hémophagocytose

Ce syndrome, lié à une hyperactivation lymphocytaire et macrophagique, associe une anémie accompagnée de stigmates d’hémolyse, une thrombopénie et parfois une pancytopénie. L’hyperferritinémie et l’hypertriglycéridémie sont très évocatrices du syndrome. L’image d’hémophagocytose est le plus souvent observée au niveau de la moelle.
Le syndrome d’hémophagocytose peut s’accompagner d’une défaillance multiviscérale d’évolution fatale en l’absence d’un traitement adapté et rapide.
Cette complication reste rare et s’observe essentiellement dans les MC associée à HHV-8.

Pemphigus Paranéoplasique

Le pemphigus paranéoplasique (PNP) est une maladie bulleuse associée à des auto-anticorps anti-desmogléine. Il est responsable de lésions cutanées et muqueuses. L’atteinte pulmonaire peut être responsable d’une insuffisance respiratoire sévère.
Cette complication semble particulièrement fréquente dans les séries asiatiques.
Le PNP est en général diagnostiqué avant la MC. Dans ce cas, la recherche systématique d’une MC doit être entreprise (TEP-TDM) car la neutralisation de la MC est indispensable à l’obtention d’une rémission durable du PNP.

Cytopénie Auto-Immune

Anémie hémolytique auto-immune (AHAI) et purpura thrombopénique immunologique (PTI) peuvent compliquer une MC. Devant une cytopénie, il n’est pas toujours facile de distinguer ce qui revient d’un point de vue physiopathologique à une hyperdestruction d’origine immunologique des conséquences du syndrome inflammatoire ou d’un syndrome d’hémophagocytose.
AHAI et PTI s’observent avec une plus grande fréquence dans les MC associées à HHV-8.
La prise en charge initiale se calque sur celle des cytopénies auto-immunes idiopathiques associée au traitement de la MC.

Lésions Cutanées

Plusieurs types de lésions cutanées peuvent être observées :

  • Lésion spécifique : il s’agit d’une lésion souvent unique, nodulaire, dont la biopsie révèle une infiltration lymphoïde et plasmocytaire.
  • Hémangiome glomérulaire : lésion vasculaire dont l’aspect est proche d’une grosse tâche rubis et dont la dénomination est liée à l’image anatomo-pathologique particulière dont l’aspect évoque une structure de type glomérulaire. Cette lésion est également décrite dans le syndrome de POEMS.
  • Lésions cutanées de la forme asiatique : il s’agit de lésions, souvent multiples, infiltrées, légèrement pigmentées, correspondant à une forme clinique des lésions spécifiques.

Atteinte Pulmonaire

L’atteinte pulmonaire est relativement fréquente dans les formes multicentriques et peut correspondre à des complications distinctes :

  • Pneumopathie lymphoïde interstitielle, particulièrement fréquente dans la forme asiatique.
  • Bronchiolite oblitérante/pneumopathie organisée.
  • Infiltrats bilatéraux accompagnant un syndrome d’hémophagocytose.
  • Complication pulmonaire d’un PNP.

Neuropathie

Une neuropathie périphérique ou une polyradiculonévrite peuvent compliquer une MC. Elles doivent faire rechercher d’autres signes pouvant s’intégrer dans un syndrome de POEMS.

Néphropathie

L’atteinte rénale s’observe surtout dans les formes multicentriques. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome glomérulaire associé ou non à une insuffisance rénale. La physiopathologie et l’anatomo-pathologie sont variables :

  • Lésions glomérulaires minimes parfois dans un contexte d’hémophagocytose.
  • Lésions vasculaires de type microangiopathie thrombotique.
  • Glomérulonéphrite membrano-proliférative.
  • Amylose.

Oedèmes et épanchements séreux

Les oedèmes des membres inférieurs sont relativement fréquents et souvent plus importants que ne le voudrait le degré d’hypoalbuminémie. Ils peuvent s’accompagner de pleurésie ou d’ascite mais alors, dans un contexte de MC associée au HHV-8, la mise en évidence d’un épanchement séreux doit faire suspecter la possibilité d’un lymphome des séreuses.

Amylose

L’amylose AA reste une complication possible des MC inflammatoires.

Forme « Asiatique »
La forme clinique de la MC multicentrique idiopathique se distingue, dans les séries asiatiques et polynésiennes, par la fréquence de :

  • pneumonie lymphoïde interstitielle,
  • lésions cutanées,
  • très importante hypergammaglobulinémie polyclonale, parfois responsable d’un syndrome d’hyperviscosité,
  • PNP.

TAFRO

Ce syndrome, décrit initialement au Japon et peut-être plus fréquent dans la population asiatique, représente un sous-groupe de MC multicentrique idiopathique. Il associe thrombocytopénie (T), anasarque (A), fièvre (F), fibrose réticulinique (R) et organomégalie (O) avec une fréquence élevée d’atteinte rénale et un taux normal ou peu augmenté d’immunoglobulines.
L’histologie se distingue par l’intensité des lésions vasculaires et la présence de lésions de fibrose.

MALADIE DE CASTLEMAN ASSOCIÉE À HHV-8

La MC associée au virus HHV-8 représente une entité bien distincte. Elle touche des adultes qui ont été infectés par HHV-8 et donc principalement, mais non exclusivement, des sujets originaires de pays à forte prévalence pour ce virus (Afrique) et des hommes ayant eu des relations homosexuelles.

La présentation clinique est globalement superposable à celle des formes sévères de la MC multicentrique idiopathique avec quelques particularités.

  • la fréquence ou l’importance des signes généraux, du syndrome oedémateux et des épanchements séreux, des atteintes d’organes, du syndrome d’hémophagocytose, de l’AHAI et bien sûr de la maladie de Kaposi.
  • La sévérité de l’atteinte hématologique et du syndrome inflammatoire.

Le diagnostic peut être évoqué sur la présentation clinico-biologique et en particulier lorsqu’il existe des lésions de Kaposi ou du virus HHV-8 détectable dans le sang (PCR quantitative).
La biopsie ganglionnaire confirme le diagnostic en objectivant des lésions de Castleman dans une forme riche en plasmocytes inter-folliculaires et surtout des cellules en différenciation plasmocytaire infectées par HHV-8 (HIS spécifique LANA) éparpillées dans la zone du manteau folliculaires ou disséminées dans le ganglion parfois organisées en petites nappes cellulaires.

Le traitement de référence à l’heure actuelle repose sur l’utilisation d’un anticorps monoclonal anti-B, le rituximab ®. Les rechutes sont possibles mais peuvent à nouveau être sensibles au même traitement.

Le pronostic est assombri par le risque de développer un lymphome malin non-hodgkinien et la survie médiane à 10 ans serait de l’ordre de 50%.

MALADIE DE CASTLEMAN ASSOCIÉE À HHV-8 DANS UN CONTEXTE D’INFECTION HIV

Lorsqu’elle survient dans un contexte d’infection HIV, la MC associée au HHV-8 a une présentation très similaire à celle observée en dehors de ce contexte. Elle est néanmoins souvent plus sévère avec une fréquence importante du syndrome d’hémophagocytose et des cytopénies plus marquées.

Elle peut révéler l’infection HIV ou la compliquer le plus souvent chez des patients présentant un déficit immunitaire net. Le contrôle de la réplication HIV par un traitement antirétroviral adapté est un élément très important de la prise en charge thérapeutique.

Le traitement repose, ici aussi, sur le rituximab® avec un effet rapide sur les symptômes et une diminution du risque de développement d’un lymphome. Il y a néanmoins trois réserves sur l’utilisation du rituximab® dans ce contexte :

  • l’importance du déficit immunitaire (CD4 < 100/mm3) qui exposerait à un risque infectieux non négligeable.
  • Le risque de poussée inflammatoire (flare) pendant le traitement.
  • Le risque de majoration de lésions de maladie de Kaposi.

Dans ces contextes limitants, l’utilisation temporaire d’une monochimiothérapie de type etoposide® ou anthracycline liposomale est une option.

Il s’agit de la forme la plus agressive de MC et la mortalité reste importante bien qu’en régression ces dernières années. L’espérance de survie médiane reste probablement inférieure à 50% à 10 ans.

MALADIE DE CASTLEMAN À RÉVÉLATION PÉDIATRIQUE

Chez l’enfant les caractéristiques de la MC sont globalement superposables à celles observées chez l’adulte. Néanmoins, certaines présentations peuvent poser des problèmes diagnostiques.

- Adénopathie cervicale isolée : le diagnostic histologique peut être hésitant avec d’autres types de proliférations lymphoïdes comme le lymphogranulome de Poppema ou la transformation progressive des centres germinatifs. La maladie de Rosai-Dorfman ou le lymphome de Hodgkin sont en général plus facilement écartés.

- Adénopathie cervicale principale associée à quelques adénopathies satellites : le diagnostic différentiel se pose avec une primo-infection et en particulier la toxoplasmose ou la MNI.

- Syndrome inflammatoire inexpliqué et arrêt de croissance : situation non exceptionnelle et parfois difficile dans la mesure ou la lésion de Castleman peut être de petite taille et difficile à objectiver sur une imagerie classique. L’utilisation du TEP-TDM devrait permettre une reconnaissance plus facile et plus rapide de la lésion chez des enfants vus pour un syndrome inflammatoire inexpliqué mais souvent relativement bien toléré malgré l’anémie associée.